Intervention d’Annick GIRARDIN

Publié le par Aita ia

Intervention d’Annick GIRARDIN, député SPM sur l'article 63  Indemnité Temporaire de Retraite

Les parlementaires de l'Outre-Mer l'ont dit et répété, tous les interlocuteurs l'ont confirmé, cette suppression de l'ITR a été menée sans véritable concertation, ni avec les élus, ni avec les partenaires sociaux.
Dans un premier temps, et avant que
qui que ce soit n'en voit le texte, cette réforme a été "vendue" comme une simple lutte contre les profiteurs du système.

Quoi de plus louable ? Je le dis franchement, je soutiens cette lutte sans réserve, car nous ne pouvons tolérer les abus qui n'apportent rien au développement de l'Outre-Mer et,même, nuisent à notre image. Aussi, j'aurais volontiers approuvé une réforme qui s'en serait tenue à ces promesses, avec la fixation d'un nombre minimum d'années d'exercice en Outre-Mer, qui pourrait même être doublé d'un plafond, si celui-ci était fixé un niveau qui permettrait d'assurer qu'il ne toucherait que ces quelques
profiteurs très aisés.

Mais ce que le Gouvernement nous propose - pour ne pas dire "nous impose" -
aujourd'hui, ça n'a plus rien à voir avec la lutte contre les profiteurs - à moins que l’on ne cherche à stigmatiser l'ensemble des gens de l'Outre-Mer comme profiteurs.

Ici, tous les fonctionnaires d'Etat sont concernés, et à travers eux, toutes les
économies des Outre-Mer où s’applique l’ITR, dans toutes leurs facettes.
Vous me direz sans doute que les économies ne reposent pas sur la fonction publique. On est bien d'accord, n'enfonçons pas des portes ouvertes. Le développement économique ne peut pas reposer sur la fonction publique, mais pour autant, celle-ci est un secteur fondamental de nos économies, comme en Métropole d'ailleurs, et pour prendre l'exemple de Saint-Pierre-et-Miquelon que je connais le mieux, vous n'allez tout de même pas me dire que, le fait de supprimer une part conséquente des ressources des 500 bénéficiaires de l'ITR au final dans notre Archipel de 6000 habitants n'aura pas de conséquences sur l'ensemble de
l'économie !

Si encore cette réforme correspondait à une réalité économique, s'il s'agissait de dire à l'Outre-Mer :
"maintenant que votre développement est assuré, vos handicaps sont compensés et votre coût de la vie a été ramené à un niveau vaguement comparable à celui du reste du pays, cette indemnité n'a plus lieu d'être", on aurait pu au moins comprendre.

Mais comment comprendre qu'on nous impose une telle mesure « au pifomètre »,qui n'est basée sur aucune étude concrète du coût de la vie et des réalités économiques des Outre-Mer ? Cette mort annoncée de l'ITR aura deux conséquences graves.Tout d'abord, nous l'avons vu, les économies des territoires concernés en souffriront dans tous les domaines, car la consommation que l'on retire aux retraités de la fonction publique et les gens qui tout simplement quitteront ces territoires, viendront automatiquement faire défaut au reste de nos économies, que ce soit dans le commerce et les services, le BTP, le tourisme, et tous les autres secteurs qui font vivre nos territoires.

 E
nsuite, comment peut-on accepter qu'un fonctionnaire qui fait le choix difficile de quitter la Métropole et venir s'implanter aussi loin de ses racines, qui travaille 10 ans,20 ans, voire plus, à mettre ses compétences au service du développement de nos territoires, pourrait soudainement se voir dire par le Gouvernement : au fait,l'indemnité sur la base de laquelle vous avez fait votre choix il y a 20 ans n'existera pour ainsi dire plus lorsque vous arriverez à la retraite.

Il y a là un vrai problème de manque de prévisibilité pour les gens, et donc, pour reprendre le terme en droit, « d'insécurité juridique ». C'est un problème qui pourrait poser de graves difficultés à l'Etat dans la mise en oeuvre de cette réforme, que ce soit au Conseil constitutionnel, devant le Conseil d'Etat, ou encore devant les juridictions européennes. La cours européenne de justice qualifie cet aspect particulier du principe de sécurité juridique de « principe de confiance légitime » auquel le conseil d’ETAT, dans son étude de 2006, attache les effets juridique suivants :

« Le principe de confiance légitime impose donc de ne pas tromper la
confiance que les administrés ont pu, de manière légitime et fondée, placer dans la stabilité d’une situation juridique en modifiant trop brutalement les règles de droit ».

En l’Etat cette réforme pourrait être considérée comme une modification brutale de la règle de droit et j'aimerais autant nous éviter à tous de tels déboires, ce que justifierait l'adoption par le Gouvernement de nos propositions.
De même, nous aurions pu rejoindre volontiers une réforme qui, tout en supprimant l'ITR, l'aurait remplacé par un dispositif applicable à tous les territoires, et à toutes les fonctions publiques. Il est bien évidemment injuste que le fonctionnaire d'Etat antillais ou guyanais, tout comme le fonctionnaire territorial ou hospitalier de Saint-Pierre-et-Miquelon, ne touche pas cette indemnité temporaire de retraite.

J'aurais donc eu grand plaisir à approuver une telle réforme si le Gouvernement nous la proposait aujourd'hui. Mais tout ce dont nous disposons, ce sont de vagues suggestions en ce sens, des "on pourrait faire ça plus tard" que l'on retrouve en fin de communiqué de presse. C'est qu'il faudrait qu'on la voit venir, cette nouvelle mesure plus juste et plus équitable qui doit remplacer l'ITR, avant d'accepter que l'on supprime l'existant, qui est loin d'être parfait, mais qui fonctionne.

Et lorsque l'on voit comment cette réforme a été menée « à la hussarde » et sans considération ni pour les conséquences sur les économies des Outre-Mers, ni pour les craintes légitimes de gens concernés, et encore moins pour les propositions constructives des élus, vous comprendrez bien que l'on hésite à se lancer ainsi dans le vide, comme vous nous le demandez, sur de vagues rumeurs d'une solution alternative qui serait proposée plus tard.

Mes amendements à cette suppression de l'ITR, qui n'avoue pas son nom, forment un tout, une véritable proposition alternative, qui dit oui à un nombre d'années d'exercice Outre-Mer pour lutter contre les profiteurs, qui dit d'accord pour la fixation à terme d'un plafonnement, mais seulement sur la base de données économiques réelles et objectives quant au coût de la vie dans chacun des territoires d’Outre-Mer, mais qui dit résolument et fermement non à la suppression pure et simple, et pour tous les fonctionnaires d'Etat, y compris les moins aisés, qui travaillent dans des situations souvent difficiles, de cette indemnité qui contribue à alimenter nos économies et permettre leur développement, tant qu’une solution alternative en faveur des trois fonctions publiques existantes (Etat – Territoriale –Hospitalière) ne nous est pas proposée.

Les propositions sont là, M. le Ministre, mes chers collègues, à nous de nous en saisir.

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