L'article 63...

Article 63 Réforme des « surpensions » d'outre-mer

Objet : Cet article a pour objet de réformer les conditions d'attribution de l'indemnité temporaire d'outre-mer et de prévoir la suppression définitive du dispositif en 2028.

I - Le dispositif proposé

Les personnels civils et militaires de l'Etat qui prennent leur retraite à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, ou dans les trois collectivités du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Polynésie française) bénéficient, en application du décret n° 52-1050 du 10 septembre 1952, d'une majoration spécifique de leur retraite, sous forme d'une « indemnité temporaire de retraite » (ITR), dont le montant varie selon la collectivité de résidence.

Dans le système actuellement en vigueur, le versement de l'indemnité n'est pas lié au fait d'avoir exercé outre-mer pendant tout ou partie de sa carrière. Aucune autre condition que celle d'être titulaire d'une pension de retraite de l'Etat et de prendre sa retraite dans l'un des territoires d'outre-mer précité n'est fixée par la réglementation.

La création de ce dispositif s'explique par plusieurs raisons :

- le décret de 1952 est intervenu dans des conditions historiques particulières. Il concernait en effet les territoires français d'outre-mer dans lesquels avaient cours le franc CFA et le franc Pacifique (CFP). Il convenait alors de compenser les effets du mode de calcul et de versement des pensions défavorables à leurs bénéficiaires ;

- l'ITR avait également pour objet de compenser les handicaps d'éloignement et d'enclavement de ces territoires ;

- cette compensation financière apparaissait comme une mesure d'équité, dans la mesure où les frais d'importation de la plupart des denrées alimentaires et autres produits étaient particulièrement élevés ;

- enfin, elle était un gage d'équilibre économique et financier pour les territoires concernés, par l'effet d'entraînement qu'elle pouvait produire sur le commerce, l'emploi et la construction.

Aujourd'hui, environ 33 000 personnes perçoivent cette indemnité temporaire, pour un montant estimé en 2008 à 315 millions d'euros. Elles n'étaient que 9 600 en 1989. Selon le territoire concerné, la majoration est de 35 % à 75 % du principal de la pension (35 % à la Réunion et à Mayotte, 40 % à Saint-Pierre-et-Miquelon et de 75 % dans les collectivités du Pacifique).

Cet avantage a été vivement critiqué dans de nombreux rapports de la Cour des comptes en raison de son caractère coûteux et inéquitable. Dans son rapport sur les pensions des fonctionnaires civils de l'Etat d'avril 2003, elle conclut à la nécessité de « mettre fin à l'attribution de cette indemnité injustifiée, d'un montant exorbitant et sans le moindre équivalent dans les autres régimes de retraite ». Le dispositif a également donné lieu à plusieurs débats, toujours passionnés, en séance publique au Parlement, notamment lors de l'examen des projets de loi de finances de 2005 à 2008.

L'ITR, fondée sur une réglementation ancienne, n'a plus aucune justification historique ou économique à l'heure actuelle. C'est pourquoi votre rapporteur a présenté une proposition de loi en juillet 2007, visant à mettre fin à ce dispositif64(*). Plusieurs arguments plaident en faveur de sa suppression :

- les handicaps d'éloignement et d'enclavement des territoires d'outre-mer se sont fortement réduits, avec le développement du transport aérien ;

- le maintien de l'indemnité n'est plus justifié d'un point de vue économique. Selon les informations recueillies par la mission d'audit de modernisation65(*), les écarts de prix entre la métropole et les Dom seraient de l'ordre de dix à vingt points. Cet écart est donc bien inférieur à la plus faible majoration de 35 % ;

- l'ITR est source d'inéquité : les surpensions ne sont pas applicables dans les départements d'outre-mer de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane, ni aux agents des fonctions publiques hospitalière et territoriale. Elles n'existent pas non plus dans le secteur privé ;

- son maintien est en contradiction avec les efforts demandés aux assurés sociaux pour garantir la pérennité financière des régimes de retraite ;

- la mesure a entraîné de nombreux abus, voire des fraudes, l'obligation de résidence effective n'étant pas véritablement contrôlée ;

- la majoration a un coût considérable pour les finances publiques, évalué à 315 millions d'euros pour 2008 et qui va croissant, le nombre de bénéficiaires s'étant accru de 8,7 % en dix ans. Sur les trois dernières années, les crédits consacrés à l'ITR ont augmenté de plus de 10 % par an ;

- les économies dégagées de sa suppression permettraient de satisfaire les besoins sociaux bien réels de l'outre-mer. L'enveloppe budgétaire destinée au logement social outre-mer est presque deux fois moindre que le montant aujourd'hui accordé à l'ITR.

Le Gouvernement a décidé de recourir à la loi pour réformer le dispositif de la surpension, dont les textes fondateurs sont pourtant réglementaires. En effet, cette indemnité doit être analysée comme une majoration de retraite représentant, au regard du droit de la fonction publique, un avantage de retraite. Les avantages de retraite faisant partie des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat dont la loi fixe les règles, conformément à l'article 34 de la Constitution -, la réforme de l'ITR ne pouvait s'effectuer que par la loi.

L'exposé des motifs du présent article précise que le Gouvernement s'est inspiré des préconisations du rapport de la mission d'audit de modernisation précitée pour proposer une réforme progressive et équilibrée de l'ITR, afin de tenir compte des engagements qu'ont pu prendre les pensionnés actuels ou les agents qui s'apprêtent à liquider leurs pensions.

Le paragraphe I rappelle la définition de l'indemnité temporaire, son mode de calcul et ses territoires d'application.

Le paragraphe II énonce les conditions d'attribution de l'ITR pour les nouveaux bénéficiaires de la majoration, à compter du 1er janvier 2009. En plus de la condition de résidence effective dans l'un des territoires précités, toute personne sollicitant le bénéfice de l'ITR doit remplir deux autres conditions.


· La première donne lieu à une alternative :

- soit la personne justifie de quinze ans de services effectifs dans les collectivités ouvrant droit au dispositif ;

- soit elle répond aux critères d'éligibilité pour bénéficier des congés bonifiés.

A travers cette condition, il s'agit de s'assurer que le demandeur a des liens étroits avec les collectivités d'outre-mer, soit parce qu'il y a travaillé plusieurs années, soit parce qu'il en est originaire.


· La deuxième, cumulative avec la précédente, impose au demandeur de justifier du nombre de trimestres nécessaire pour obtenir une pension au taux maximum de 75 % du traitement, soit 161 trimestres en 2009 (article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite).

En outre, le paragraphe précise que les nouveaux bénéficiaires devront faire valoir leur droit à l'ITR dans les cinq années suivant leur départ en retraite.

Enfin, il prévoit que le dispositif de l'indemnité temporaire cessera d'accueillir de nouveaux bénéficiaires à compter du 1er janvier 2028.

Le paragraphe III donne des précisions quant au montant de la majoration et au droit à réversion de cet avantage.

Le montant de l'indemnité est défini lors de la première mise en paiement de celle-ci, mais il ne pourra excéder un montant annuel fixé par décret. L'exposé des motifs précise que ce plafond s'élèvera, dès 2009, à 8 000 euros par an, et qu'il sera progressivement diminué pour les entrées s'effectuant à partir du 1er janvier 2019.

Lorsque l'indemnité temporaire est attribuée en cours d'année, le plafond fixé par décret sera calculé au prorata de la durée effective d'attribution de l'indemnité sur l'année considérée.

En outre, l'ITR pourra faire l'objet d'une réversion au conjoint survivant du pensionné, sous réserve que ce dernier remplisse une condition de résidence :

- si le bénéfice de l'ITR a été accordé en raison d'une activité exercée en outre-mer, le conjoint survivant aura pour obligation de résider effectivement dans l'une des collectivités concernées par l'indemnité ;

- si l'ITR a été attribuée en raison des liens familiaux avec une collectivité d'outre-mer donnée, le conjoint survivant devra continuer à vivre dans cette collectivité.

Le paragraphe IV concerne les bénéficiaires de l'indemnité temporaire avant le 1er janvier 2009.

Il dispose que le montant de l'ITR ne pourra excéder un montant annuel défini par décret, qui variera selon la collectivité et qui sera diminué jusqu'au 1er janvier 2018. Selon l'exposé des motifs, le plafond devra être de 10 000 euros par an à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon et de 18 000 euros dans les collectivités du Pacifique, en 2018.

L'ITR pourra également faire l'objet d'une réversion, mais le conjoint survivant devra résider effectivement dans l'une des collectivités ouvrant droit à cet avantage.

Le paragraphe V précise le régime applicable aux pensionnés relevant du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Contrairement aux autres pensionnés, le montant de l'ITR perçu par ces personnes ne sera pas plafonné. En revanche, l'indemnité cessera d'être attribuée à de nouveaux bénéficiaires à compter du 1er janvier 2028.

Le paragraphe VI prévoit que les services de la direction générale de finances publiques contrôlent l'attribution des indemnités temporaires. A ce titre, les demandeurs et bénéficiaires de l'ITR, les administrations de l'Etat et les collectivités territoriales doivent leur transmettre toute information nécessaire à la vérification des conditions d'octroi et d'effectivité de la résidence.

Si le bénéficiaire ne remplit plus les conditions d'effectivité de la résidence, l'ITR cessera d'être versée.

De plus, en cas d'infraction volontaire aux règles d'attribution de l'indemnité temporaire, il est définitivement mis fin au versement de l'avantage.

Le paragraphe VII précise que l'indemnité est, s'agissant du cumul, soumise aux mêmes règles que les pensions auxquelles elle se rattache.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre une modification rédactionnelle, l'Assemblée nationale a apporté les précisions suivantes :

- les quinze années de service devront avoir été effectuées « dans une ou plusieurs » des collectivités d'outre-mer concernées par le dispositif ;

- la durée d'assurance, dont les nouveaux bénéficiaires de l'ITR devront justifier pour obtenir le pourcentage maximum de la pension civile ou militaire de retraite, devra correspondre à des services effectifs et ne pas inclure d'éventuelles bonifications ;

- l'ITR pourra être servie aux assurés ayant une durée de carrière incomplète dès lors qu'ils liquident leurs droits sans décote, cette modalité ayant pour objectif de maintenir l'incitation à la prolongation d'activité professionnelle ;

- le plafond des indemnités temporaires octroyées aux nouveaux bénéficiaires de l'ITR, actuellement identique pour toutes les collectivités d'outre-mer visées (8 000 euros), sera désormais modulé pour mieux prendre en compte les spécificités économiques de chacune d'entre elles.

III - La position de votre commission

Votre commission se félicite que le régime des « surpensions » d'outre-mer soit, pour la première fois, réformé. Comme d'autres instances, elle a dénoncé, à plusieurs reprises, son caractère coûteux et inéquitable. Néanmoins, elle regrette que le Gouvernement ne prévoie l'extinction définitive du dispositif qu'en 2028.

C'est pourquoi, elle propose, outre un amendement de coordination, quatre amendements visant à :

- fermer, à compter du 1er janvier 2015 au lieu du 1er janvier 2028, l'accès au bénéfice des « surpensions », ce schéma d'extinction étant conforme aux recommandations formulées par la Cour des comptes et l'inspection générale des finances ;

- plafonner l'avantage accordé aux nouveaux bénéficiaires, à compter du 1er janvier 2009, à 8 000 euros et à 35 % du montant de la pension dans tous les territoires d'outre-mer concernés par le dispositif, et d'avancer de 2028 à 2018 la date à laquelle cet avantage ne leur sera plus versé ;

- plafonner l'avantage accordé aux bénéficiaires du dispositif avant le 1er janvier 2009, au montant atteint par celui-ci le 31 décembre 2008 ;

- renforcer les modalités de contrôle dont disposent les services de la direction générale des finances publiques pour se prémunir contre les risques de fraude. 

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